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Tous à Zanzibar

Texte initialement écrit pour illustrer un carnet de voyage. 

Zanzibar. Le nom est un mythe, un symbole. Il allume dans l’esprit de ceux qui l’entendent une lumière étrange, il libère des parfums exotiques, il ranime des histoires oubliées. Zanzibar, c’est le voyage absolu, les promesses de bout du monde, l’inconnu. On peut se plaire à imaginer que résonne là les dernières vibrations d’un monde qui disparait mais qu’on sera le dernier à entrevoir. Zanzibar, c’est l’exploration, la découverte, peut-être même un des derniers vrais « voyages ».

Il y a d’abord la route. La nôtre qui traverse l’île d’ouest avant de filer dangereusement vers Jambiani au milieu de la forêt, des villages, des singes et des épices. Les taxis locaux y propulsent leurs passagers entre vélos zigzaguant dans un improbable équilibre, charrettes à boeufs, animaux errants et camions, avec pour seule certitude que le klaxon suffira à déjouer la mort. On voudrait pouvoir le croire. Si le danger et l’incertitude de survivre font partie de l’aventure, alors l’aventure à Zanzibar commence en taxi.

Il y a aussi la ville. Stone Town. Complexe, lumineuse et sombre à la fois. On croise dans ces ruelles l’esprit de tous les grandes icônes du voyage. Du port au marché, de places en carrefour, on peut plaquer les mots d’Henri de Montfreid, Arthur Rimbaud, Jack London, Albert Londres ou voir l’ombre de Corto Maltèse. Stone Town est une ville où se fabriquent des récits, un des ces lieux qui électrifie l’imaginaire. Mais si le pouls fiévreux de l’Afrique noire y bat aujourd’hui, le passé a pourtant l’odeur de la souffrance, de l’inhumanité et de la mort. Des centaines de milliers d’esclaves furent amenés et vendus ici. Pour beaucoup, Zanzibar fut le dernier voyage, aucun droit à l’exotisme pour ceux-là, juste l’enfer. L’histoire de Stone Town est terrifiante. Les Omanais et autres perses qui organisèrent ce commerce sont repartis depuis longtemps, leurs descendants ont fini par être massacrés. Stone Town a tourné la page du sang. Elle est aujourd’hui cosmopolite, paisible, musulmane mais surtout Africaine.

A Jambiani, l’océan indien vient au pied des maisons. La place du village est une plage. Les enfants s’y retrouvent et s’y réfugient pendant que leurs mères vont cultiver les algues dans le lagon dont on a peine à distinguer les limites. Le destin de ces femmes est dans les mains des deux grands rythmes naturels. Celui du soleil pour la lumière, celui de la lune pour les marées. L’occidental peut voir là des symboles. Pour elles, cet immense espace vierge, ce fabuleux corps bleu est un simple champ. L’endroit où il faut se courber comme tous les paysans du monde pour gagner très durement sa vie. Avec ses mains et son courage. Y voient-elles de la beauté ? Rien n’est moins sûr, elles ont d’autres urgences.

A Zanzibar, la lumière est une matière, et les nouveaux voyageurs viennent aujourd’hui pour rouler sur le dos de l’océan indien, sur ce lagon à la couleur inouïe, au rythme des alizés que l’on dompte dorénavant avec l’aide d’un cerf-volant. Le kitesurf est peut-être la plus belle façon que l’homme ait jamais trouvé pour aller sur l’eau. En tout cas la plus épurée, la plus symbolique. Cette petite lune captive, magique et poétique s’agite et produit du mouvement. On file vers le reef, on y attrape les vagues et on le parcours en tout sens. Vivre, n’est-ce pas exploiter sa liberté ? Et toucher avec son corps les limites du monde comme disait un alpiniste. A Zanzibar, pas besoin de partir dans l’espace pour savoir que la planète est bien bleue. Elle l’est ici plus qu’ailleurs.

On peut abandonner certaines choses à Zanzibar. De celles qui encombrent nos vies habituellement. On peut vivre autrement ici. Plus lentement notamment. A Zanzibar, il faut vivre, ressentir, réfléchir et penser, puis écrire, peindre et photographier pour après le retour pouvoir se convaincre que ce n’était pas un rêve. Akuna Matata

Vous pouvez voir mes photos en suivant ce lien : www.thierryseray.com

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