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Le snowboard est mort. Pourquoi ?

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« Le snowboard est mort« , tel est le titre d’une enquête au titre provocateur (mais courageux) diffusée très récemment (décembre 2017) dans l’émission Riding Zone sur France Ô. A vrai dire, le sujet alimente les discussions depuis un moment. Tous ceux qui ont travaillé dans le snowboard, de près ou de loin, toutes celles et ceux qui ont connu et vécu les débuts, puis l’explosion, ceux aussi qui ont été impliqués dans le business du snowboard le savent, si la pratique en elle-même – faire du snowboard – est toujours aussi passionnante, le surf des neiges en tant que mouvance, culture et aussi – c’est incontournable – secteur économique, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Dans ce sujet (10 minutes) que l’on vous laisse découvrir, les témoignages ne manquent pas. Attardons-nous sur les mots prononcés, ils sont importants. Les intervenants évoquent successivement :

  • le faible nombre de compétiteurs
  • le manque d’infrastructures, le peu de pipes notamment
  • les pistes de ski trop belles et trop larges
  • l’intégration de l’AFS dans la fédération française de ski
  • les modules toujours plus gros
  • les pipes trop radicaux
  • le haut niveau toujours plus haut et par conséquent l’élite de plus en plus petite

Ce qui est avancé, est que le snowboard va mal parce que le haut niveau s’étiole. Le diagnostic peut surprendre, il est bien trop partiel. Cet aspect des choses est évidemment abordé dans l’émission mais il faut revenir au début de l’histoire pour comprendre ce qu’a été le snowboard et mieux appréhender les raisons de son déclin.

Même si les pionniers comme Bernard Garcia inventent en quelques sorte, entre deux expérimentations, le freeride en ski, à la fin des années 70 dans les couloirs de Chamonix, même si l’arrivée du monoski (début des années 80) marque une première ligne de fracture dans l’univers assez conservateur du ski alpin, c’est bien le snowboard qui enfonce définitivement la porte des conventions. Quand Régis Rolland surfe aux Arcs sur une planche en bois avec des dérives en aluminium (mid 80’s), quand les premiers Burton arrivent, on assiste bien à une rupture … culturelle. La montagne n’est plus uniquement un stade codifié, avec des piquets ou des pistes, la pente devient un espace que l’on peut surfer, dans lequel on peut se lâcher et … improviser. L’imagination trouve une porte supplémentaire à ouvrir. Le luxe c’est l’espace, le slogan aurait dû être celui d’une board de snow, pas d’une voiture. On peut glisser différemment, c’est tout l’enjeu, c’est même identitaire. Exit le ski à papa. L’affaire va prendre une grosse ampleur.

Le snowboard connecte qui plus est plusieurs univers. Celui du surf, celui du skate notamment. A côté, le ski et sa proposition qui décline encore et toujours slalom spécial, géant etc… en prend plein son grade, les rayons de courbure font toujours 50 mètres, les skis sont des pieux, règne toujours une éthique un peu rigide et surtout datée tenue d’une main ferme par la fédération et l’ESF. Le snowboard fait exploser tout ça, tous les jeunes prennent la tangente. D’autant que le surfwear est à son apogée. Les marques investissent dans la neige, s’affranchissent évidemment du classicisme montagnard. Les couleurs et la créativité sont sur les boards et les vêtements. C’est un monde à part qui émerge.

Ce n’est pas une exception, il se passe exactement la même chose sur l’eau, avec l’arrivée de la planche à voile (génération Naish), en montagne, avec les grimpeurs (Stones Masters aux USA, Edlinger en France qui dynamite les codes), en vélo aussi avec le VTT qui va tout changer. Autant de ruptures culturelles et sportives amorcées avec l’arrivée du skate en virus annonciateur, que les fédérations respectives laissent passer faute de comprendre ces hurluberlus. Fossé des générations mais pas seulement. Les stations ne cernent guère mieux les enjeux qui s’annoncent. Avoriaz et d’autres imposent des restrictions. Les institutions sont souvent en retard d’un train. Aujourd’hui, ce sont les réglementations sur le VTT électriques qui sortent déjà des tiroirs.

Si l’imaginaire du snowboard est lié à la poudreuse – faut-il rappeler qu’au début on pensait que la pratique sur la piste n’avait aucun sens et ne serait pas possible (avec les Winterstick sans carre c’était sport) – un premier glissement va rapidement s’opérer. Le matos évolue vite, le snowboard va partout. Résumons la suite à gros traits : du gros freeride, l’image va glisser vers le freestyle et les tricks.

C’est la culture freestyle qui va littéralement dicter la suite. Peu importe comment elle arrive, de quelle façon elle se diffuse, le « format », l’idée dominante dans les têtes va devenir le freestyle. Il va guider le développement produit, aussi bien en planche qu’en fixation. Le freestyle va aussi influencer fortement ce que se doit d’être un « vrai » snowboarder ». C’est le « LA » de référence que mettent en avant médias et marques. Seul problème, tout le monde n’a pas les capacités techniques pour devenir un bon freestyler. Placer toute une « clientèle » en position d’échec est un risque. Sur le long terme, le résultat va être douloureux.

Fin des années 90. L’un des gros problèmes du snowboard demeure sa mise en œuvre, son côté « pratique ». Le souci, c’est la phase de chaussage/déchaussage, la gestion des tire-fesses, des télésièges, des faux plats. Les pratiquants en font leur affaire, assument cette différence, la revendiquent, jouent même sur cet élément qui les distinguent du commun des mortels, mais c’est un frein, c’est une évidence. Les constructeurs en sont conscients, Burton y compris. Ride, Salomon qui s’implante et les autres aussi. Arrive le Step-in : les solutions techniques de l’époque ne sont pas parfaites mais c’est un plus évident. C’est juste parfait pour le freeride, ce que pratique beaucoup de snowboarders « lambda ». Gros problème, le step-in et freestyle ne sont pas compatibles. Techniquement parlant le step-in ne convient pas mais c’est philosophiquement que ça va coincer. Le marché, l’image que s’en font les principaux influenceurs de l’époque, va finir par éjecter les systèmes de step-in qui ne sont pas conforme à leurs aspirations, pour ne pas dire à leur « vision ». C’est notre ressenti. La Flow, solution intermédiaire va survivre quelques temps mais tout le monde revient à la coque. Donc à cette forme évoluée de la loi de Murphy.

La fin du step-in ne marque pas la fin du snowboard mais c’est un signal. C’est une pratique qui se referme. En 1998, le snowboard est au J.O de Nagano. Que va t-il faire dans cette galère ? Terje Hakoonsen décline ce qu’il considère comme contraire à sa culture, il a raison, mais il est bien seul. On y voit du freestyle, mais aussi du snowboard alpin. C’est beau, Karine Ruby est médaille d’or, tout le monde est fier en France, heureux, mais on s’est déjà bien éloigné de l’identité de départ…

Résumons. La proposition du snowboard, c’était à la base, les grandes pentes, la liberté et la poudreuse. Mais surtout la différence. C’est devenu le freestyle, les figures radicales et le pipe. Bien. La promesse était belle mais a pu sembler hors d’atteinte au passionné lambda, souvent urbain, qui arrivait en station avec des images plein la tête mais qui n’avait pas forcément de poudre à sa disposition et dont le niveau lui interdisait de briller sur le pipe. Quand il y en avait un. Une pratique peut… mourir de ce genre d’écart entre promesse et la réalité. Fin des années 90, arrive le boardercross qui peut sembler une discipline intéressante. Les marques sortent des modèles adaptés, qu’on ride en coque ou en plaque mais ça reste de l’engagé et c’est très alpin comme influence. Le « boarder » ne survivra pas, à part en compétition.

Le snowboard est mort, la phrase choc ne veut rien dire mais elle est caractéristique. Il ne fait plus rêver. Il n’est plus à la mode, encore moins incontournable. Le ski, les fabricants surtout, ont su se remettre en cause. Changer leur produit, s’accaparer la culture freeride/freestyle. Le rebond s’était déjà amorcé avec l’arrivée des lignes de côtes paraboliques qui ont dopé le marché, ont braqué à nouveau la lumière sur le ski, puis sont arrivés les modèles twin-tip. Ironie du sort, le goût du freestyle mixé avec la facilité du ski. Ensuite, les ingénieurs ont enchainé, les patins de plus en plus larges, les doubles rockers, etc… mais l’industrie du ski n’a pas oublié de rester au contact du grand public, la plupart des modèles vendus ou surtout loués restant assez accessibles. Le ski est redevenu universel, le snowboard a raté une marche. Retour à la case alternative.

Les snowboarders interrogés par Riding Zone parlent compétitions, infrastructures, entrainement, haut niveau, J.O. C’est un langage de fédération. Mauvais diagnostique, funeste erreur d’appréciation. Le mot culture n’est pas prononcé et il faut attendre la fin du reportage pour entendre parler d’état d’esprit, de liberté et de plaisir. Les valeurs sur lesquelles le snowboard a émergé. Heureusement.

Dernière anecdote pour conclure. Hormis les sublimes films de Travis Rice, un des vidéos qui a le plus circulé sur le web l’hiver passé était celle de Korua Shape, Yearning For Turning. On y assiste au retour du carving et du Vitelli turn…  Glue donne aussi à voir une image renouvelée du snow.

Le surf des neige est mort de ses propres diktas.

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