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Apprendre à reconsidérer son corps. Un peu de philo au secours de la lutte contre la sédentarité.

L’immobilité est un danger. Ironie du sort, l’Homme, qui se pense différent et supérieur au règne animal, s’aperçoit qu’oublier son propre corps entraine des conséquences.

La sédentarité est un dommage collatéral de nos sociétés, un angle mort du travail de bureau, une résultante du tout automobile, de la vie mécanisée, du tout assisté, des transports en commun, des escaliers mécaniques, et de la douceur des canapés combinés aujourd’hui à la toute puissance des écrans. Globalement, on peut y voir un des résultats directs de la philosophie du confort chère à l’anthropologue Stefano Boni.

En 2022, la sédentarité a pris ses aises, elle est devenue un fléau mondial. D’autant plus qu’à la baisse de l’activité physique correspond depuis des décades une inflation des calories absorbées et de la nourriture industrielle dont la face cachée est pourtant connue depuis les années 70. Les gouvernements et autres structures liées à la santé peuvent promouvoir le mouvement et notamment le « sport », c’est une bonne chose, la courbe ne semble pas vouloir changer de directions. Les multiples injonctions ne donnent pas les résultats escomptés et pour ne parler que de la France, on ne peut pas penser que les JO inverseront la tendance. Tout au plus, influenceront-ils une minorité déjà attirée par le sport bien avant l’été 2024.

Il faut donc tenter d’imaginer quels seraient les moyens de convaincre une majorité d’humains aussi bien ici qu’aux États-Unis ou dans ces pays où l’obésité progresse, de se ré-approprier leur corps puisque c’est de ça dont il s’agit. 

Il n’y a sans aucun doute aucune recette miracle mais une série de solutions qui toucheront chacune tel ou tel type de public. Le développement du fitness a montré que certaines personnes accordaient de l’importance à leur corps sans que ce soit dans le cadre d’un sport institutionnel (football, tennis, arts martiaux ou autre). L’augmentation de la pratique du yoga prouve aussi qu’un autre public fait de l’équilibre, de la lenteur, de la non-performance et de l’attention portée à soi, un objectif important. Le rapport au corps semble donc important.

C’est dans ce contexte que l’idée soulevée par Marie Robert, Prof de lettres et de philosophie, auteure de livres d’approche philosophique à travers des situations du quotidien, interviewée par le site A Block, qui parle des femmes dans le sport, nous semble très intéressante à creuser. Elle dit en substance : « L’activité physique n’est pas qu’un tremplin vers les meilleurs chronos, c’est aussi un espace dans lequel on dialogue avec notre enveloppe… Grâce au sport, on comprend comment bouger notre corps, comment l’entraîner, comment le préserver, comment assurer sa longévité. » Puis ajoute : « Je me demande combien de temps nous passons à scruter notre corps au fil des décennies. Combien de minutes sont consacrées à l’analyser ? À le commenter ? À l’apprivoiser ? À le détester ? À tenter de saisir ce qu’il a à nous dire ? À le trouver trop gonflé, trop fin, trop fripé ?… À travers tous ces changements et toutes ces variations, ce que notre anatomie nous propose, c’est une ode au mouvement. N’est-ce pas prodigieux de se dire que nous avons un corps qui a l’habilité de bouger, un corps qui n’est pas figé ? » 

C’est une belle idée, optimiste, utopique un peu mais nous en avons besoin. Une source de motivation. Un sens. – Si l’obésité progresse, si elle touche autant de jeunes, c’est que le mot « sport » aussi inspirant soit il ne suffit pas à toucher un large public. On attend que le sport compétitif entraine de nouveaux adeptes. Cette théorie du ruissellement ne fonctionne pas plus que son équivalent en économie.  Ce qui importe aujourd’hui, nous semble-t-il est de réinventer le rapport avec son corps, que le sport a un grand rôle à y jouer mais que le discours et l’imaginaire du pourquoi et du comment doit évoluer. Changer la philosophie et les mots. Le rapport au corps, notre « véhicule » doit évoluer et toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre. Le mouvement et le rapport au corps sous-tendent le travail de nouveaux profils sportifs qui émergent sur Instagram notamment, loin de l’univers habituel de cette partie du sport que les institutions pensent être la pierre angulaire de toute action alors qu’il nous a enfermés dans une vision de l’utilité même du sport, très limitée.

D’ailleurs Antonio Damasio (professeur de neurologie, neurosciences et psychologie) dit : « Je défends l’idée que le corps est un acteur essentiel dans tout ce qui a trait à l’esprit ». Lire à ce sujet : Et s’il fallait promouvoir le sport comme sixème sens ?.  Alors parlons danse, yoga, fitness, équilibre, lenteur, ou simplement capacité d’agir, rapport corps et esprit, anatomie puisque c’est de ça dont il s’agit, enfin, connaissance de soi (terme moins engageant que le controversé développement personnel) et même entretien de soi car l’horizon transhumaniste n’est pas pour tout de suite. 

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