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Antithèse : le foil est-il une hallucination collective ?

Le titre de ce post est volontairement provocateur, mais notre métier est de détecter les tendances, de peser le pour et le contre et surtout de les analyser. D’en proposer une lecture. Si par nature nous sommes enthousiastes, nous devons toujours être pragmatiques. Les adeptes du foil apprécient peu la contradiction mais les faits sont là. Nous pensons qu’il faut aller au-delà de l’emballement. Tout le monde n’adhère d’ailleurs pas, l’un des preuves étant ce montage illustrant le post et circulant sur le net depuis quelques jours. Assurément ironique. Nécessaire aussi.

Tous les autres articles de Code Zero concernant le foil et dont la plupart sont positifs, sont accessibles via la catégorie Innovation & Technologie. L’idée ici n’est pas de porter un jugement, mais bien de poser les enjeux… dont le principal est quel sera l’impact « psychologique » du foil. C’est un point de pivot technologique qui marque un tournant entre deux façons d’aborder la mer. C’est enthousiasmant mais ça pose un certain nombre de questions. L’histoire à montrer que l’inflation technologique d’un sport peut en changer la nature et la perception. Remember windsurf…

Tout d’abord, qu’est ce qu’un foil : c’est un plan porteur, un « profil » qui génère une force. Un foil est en fait une sorte d’aile d’avion. Mettre cet « appendice » sous une planche à voile, un kitesurf ou un voilier permet de le soulever au fur et à mesure que la vitesse augmente – exactement comme un avion au décollage – et de sortir littéralement de l’eau, le foil étant justement la seule pièce qui reste en contact avec l’eau.

Pourquoi ? Parce qu’un voilier déplace de l’eau, parce qu’il y a des frottements entre les surfaces (la carène et l’eau) et que tout ceci freine l’avancement. Ne parlons même pas des problèmes du à l’état du plan d’eau quand la mer est « agitée ». C’est valable pour les engins glissants…

Un peu d’histoire. En France, c’est Eric Tabarly qui au travers de l’Hydroptère, sera un des premiers à croire en cette solution. L’Hydroptère fera rêver mais finalement peu suivent cet exemple très radical. C’est sans aucun doute la 34 éme édition de la Coupe de l’America qui marque un tournant. Nous sommes à San Frasisco, en 2013, les américains affrontent les néo-zélandais sur des catamarans à foil propulsés par une aile rigide similaire à celle d’un avion (encore une histoire de profil…). La voile entre dans l’hyper-technologie. Depuis, les « foils » se multiplient sous les bateaux (AC 45, GC 32, Xtrem 40, Flying Phantom, etc…), y compris sous les monocoques du Vendée Globe et les voileux – une partie en tout cas – ne parlent que de ça. Coté glisse, si les windsurfers s’intéressaient déjà au foil il y a trente ans, il était sans doute trop tôt mais c’est par le biais du développement en kitesurf que le foil redevient le phénomène du moment.

Comme nous l’avons vu dans le précédent billet, il y a aujourd’hui un véritable engouement pour le foil. En kitesurf, en windsurf, Kaï Lenny, rider à l’envergure internationale a même enflammé le web avec un vidéo le montrant en stand up padlle à foil, il a également fait un essai avec une planche de surf. DE nombre autres tentatives fructueuses ont été relayées sur le net. Les passionnés de glisse s’y intéressent, des marques s’y engouffrent, des vidéos apparaissent chaque jour, le foil attire et fascine c’est une évidence, une certitude. Il renouvelle l’imaginaire de la pratique, dessine un futur possible, c’est aussi une innovation qui relance – dans une certaine mesure – les ventes et il y a de multiples raisons de suivre le phénomène de très près et de le prendre très au sérieux. Nous l’avons écrit, que c’est un phénomène transversal commun aussi bien à la voile qu’à la glisse. Deux monde qui seront à l’avenir de moins en moins différents. Beaucoup y voit l’avenir avec un grand A.

Il y a pourtant des raisons de ne pas se laisser aveugler et de tenter d’analyser froidement les différents scénarios possibles. Si les adeptes du foil croient résolument à leur nouveau jouet le parant de toutes les vertus, et toisant ceux qui émettent des doutes, il faut rester pragmatique et admettre un certain nombre d’aspects limitatifs :

  • En kitesurf ou en windsurf, le foil n’a jusqu’à présent été pratiqué que une élite de « pionniers », sportifs, connaisseurs et motivés. Un plus large public de la glisse commence à s’y mettre. Le matériel progresse, l’apprentissage reste difficile et le ticket d’entrée, couteux. Les prix baisseront certes. Tout le monde se félicite de l’intérêt qu’il représente mais le nombre de pratiquants en France ne se chiffre qu’à quelques centaines. Beaucoup d’observateurs admettaient (automne 2016) en privé que le potentiel restera limité mais les choses s’emballent coté planche à voile
  • Si le foil permet de naviguer avec très peu de vent, c’est son principal atout, il est très peu polyvalent et pose de très nombreux problèmes aux pratiquants. Peu facile à transporter, il complique sérieusement la mise à l’eau par exemple, profondeur minimale nécessaire et les discussions sur les forums, les réseaux ou les spots commencent à pointer du doigt les risques. Le foil est en effet un « objet » très coupant, vous l’avez sous les pieds… il faut pratiquer casqué et être prêt à gérer des situations compliquées. Voire dangereuses. Les lignes du kite dans le foil par exemple. Il en allait de même avec le kitesurf au début mais on franchit un palier supérieur de complexité.
    Certains observateurs avertis (le réseau codezero…) pensent qu’un point d’inflexion a déjà eu lieu dans le kitefoil. L’engin linéarise la sensation de glisse. Une fois le sensation du début émoussée explique un pratiquant de la première heure, on découvre une pratique répétitive. Il aborde également la notion de l’investissement toujours plus élevé puisque le corolaire du foil est ensuite l’aile à caisson qui maximise la performance mais rend encore l’ensemble plus élitiste.
  • Coté windsurf, le problème est un peu différent. Le foil redonne de l’appétit à la première génération de passionnés qui avaient la sensation d’avoir fait le tour de leur jouet. Le plaisir est vite au rendez-vous, l’apprentissage étant plus facile qu’en kite. On serait tenté de dire qu’il y a peut-être moins de cotés négatifs mis à part la profondeur minimale requise mais le danger lié aux chutes n’est pas non plus anodin.
  • En stand up paddle, l’arrivée du foil nous laisse émerveillés et sceptiques à la fois. La réalité de Kai Lenny, Connor Baxter, Cyril Coste et autres est éloignée du besoin, des envies du commun des mortels, ne parlons pas des qualités techniques et physiques requises. Ces garçons innovent, déplacent les limites et entrainent les plus audacieux dans de nouvelles directions. Il n’en demeure pas moins que l’univers de la glisse et les modes qui agitent les concepteurs de matériels ont souvent accouché d’erreurs tragiques.
  • On terminera ce tour d’horizon avec la voile. Le monde de la course, une partie tout du moins, s’enflamme pour le foil. Rien à redire, l’intérêt du public est là et le spectacle aussi. Nombreux sont ceux qui pensent que c’est une solution d’avenir. Reste à savoir pour qui et pour quoi. Le foil va passionner une nouvelle génération, c’est évident. Y aura t-il du matériel accessible pour ceux qui ne veulent pas faire de la compétition, c’est à voir. En quoi le foil peut permettre à la voile de se réinventer en tant que pratique loisir, est aussi un vaste débat. Le chantier américain Gunboat, racheté récemment par le français Outremer, avait présenté un catamaran de croisière équipé de foils. Son looping avant a fait le tour du web. A la limite pourquoi pas quand les problèmes de stabilité auront été résolus. Mais le chantier Bénéteau avait constaté avec le Sense par exemple, que les bateaux plus larges, impressionnaient beaucoup certains clients en navigation, en raison de la hauteur à laquelle on se retrouve assis au vent, quand le bateau est à la gîte. On parle bien d’impressions négatives. Il y a toujours un gap entre l’avant garde et le public.

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